L’HISTOIRE DE L’AVIATION – des origines à 1914
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1901. Aéroplane à flotteurs de Kress (Autriche)

PARMI toutes les innovations dues aux pionniers de l’aéronautique, il y en eut de comiques, de saugrenues, de loufoques ; il n’y eut rien d’aussi triste et émouvant que l’histoire de l’Autrichien Wilhelm KRESS. Modeste facteur de piano, celui-ci poursuivit pendant des décades un rêve grandiose et obstiné : le rêve de voler ! Mais comme sa fortune et son savoir étaient restreints, il lui fallut longtemps économiser et s’astreindre à perfectionner son instruction. À cinquante-sept ans, il suivait les cours de l’École Polytechnique de Vienne ! Devenu ingénieur en 1898, il put enfin s’atteler à la réalisation d’un aéroplane. Au bout de trois ans, son appareil était terminé. Il était équipé de trois ailes décalées (de façon à ne pas agir dans la même couche d’air) et reposait sur deux flotteurs en feuilles d’aluminium. De plus, KRESS avait vu – comme Pénaud – l’intérêt de centraliser les commandes en un seul organe : son remarquable engin fut ainsi le premier à être muni d’un « manche à balai ». Mais le problème du moteur allait valoir au courageux constructeur bien des déboires. Quand, après plusieurs essais négatifs, il reçut le moteur Mercedes promis, ce dernier donnait à peine 30 CV sur les 40 annoncés, et pesait 380 kilos ! C’était un désastre, car le poids de l’ensemble excédait de 200 kilos celui prévu. De ce fait, les flotteurs se trouvaient entièrement immergés. Malgré tout, KRESS décida de procéder lui-même – il avait alors soixante-cinq ans ! – à des essais sur le lac de Tullnerbach. Il parcourut d’abord des lignes droites, accéléra l’allure et paraissait devoir réussir lorsqu’il aperçut devant lui un barrage de pierres. Afin d’éviter la catastrophe, il stoppa le moteur et vira brutalement. Emporté par la vitesse, ses ailes gonflées de vent, l’appareil se retourna, puis se brisa. Au bout de vingt minutes, une barque vint recueillir le pilote cramponné à un flotteur... Avec une dignité parfaite, KRESS fit front au malheur : après avoir repêché les débris de son oiseau démantelé, il s’efforça de le reconstruire. Commencé en 1902, ce travail ne put être terminé faute de ressources. Ainsi finit la carrière d’un grand promoteur qui, le premier, eut l’idée d’adopter un moteur à explosion à un aéroplane.