L’HISTOIRE DE LA MARINE – de 1700 à 1850
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1850. Le Napoléon (France)

 

DANS toutes les marines, les hommes épris de progrès rêvaient d’un navire à vapeur et à hélice conçu « en partant » des avantages et des exigences du nouveau propulseur. Navire révolutionnaire, que la France allait devoir à un ingénieur de génie, DUPUY DE LOME. Son audacieux projet, refusé une première fois par la commission des Travaux en 1846, finit par être accepté grâce à l’intervention du Prince de JOINVILLE, fils de LOUIS-PHILIPPE. La construction put commencer et, le 15 mai 1850, à Toulon, fut lancé un vaisseau qui marque une date dans l’histoire navale. Les fluctuations de la politique le firent plusieurs fois changer de nom avant même son lancement, mais c’est finalement sous celui de Napoléon qu’il navigua. Donnons-en les caractéristiques : 71 m de long, 16 m de large, hélice à quatre pales de 5,80 m de diamètre. Déplacement de 5 047 tonneaux, dont 927 pour la provision de charbon et 550 pour la machine. Celle-ci, avec ces 990 CV, devait permettre une vitesse de 11 nœuds. Or, dès sa première sortie, le Napoléon confirma sans aucune difficulté ces prévisions. Et un peu plus tard, il effectuait la traversée de Toulon à Ajaccio à 12 nœuds 14 de moyenne. En septembre, il réalisa, de Toulon à Marseille, une vitesse de 13 nœuds 86, qu’aucun vaisseau n’avait atteinte avant lui. La forme arrondie de son arrière avait permis de porter à 92 le nombre des canons. Et sous voile, machines arrêtées, le bateau de DUPUY DE LOME témoignait encore de remarquables qualités. Bref, si l’enthousiasme fut grand en France, il y avait de quoi ! Il s’amplifia encore lorsque le pays fut doté de cinq autres navires construits sur le modèle du Napoléon car, ainsi pourvue de la première escadre à vapeur à grande vitesse, la flotte française prenait résolument la tête du progrès naval. À leur tour les Anglais mirent en chantier des vaisseaux spécialement conçus pour l’hélice. Le premier d’entre eux fut l’Agamemnon. Pourtant, l’extraordinaire essor qui marquera la seconde moitié du XIXe siècle allait condamner ces prestigieux navires à vieillir terriblement vite.