L’HISTOIRE DE LA MARINE – de 1700 à 1850
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1820. Négrier (1)

 

LES navires qui servirent à cette immense et impitoyable transplantation étaient principalement des bricks : du type Brick de Guerre affecté au rôle de Négrier, mission également assumée par des goélettes. À bord de ces navires, qui ne dépassaient jamais 250 tonneaux, chaque esclave n’avait pas plus de place qu’un mort dans son cercueil, ce qui justifie le nom, que leur donna MIRABEAU, de bateaux-cercueils. Leur vitesse, supérieure à celle des autres bâtiments, devint une exigence impérieuse du jour où, après l’abolition légale de 1815, s’établit un trafic d’esclaves clandestin : car il s’agissait pour eux d’échapper aux navires de répression qui leur donnaient la poursuite aux fins de les arraisonner. Pendant que se déroulaient ces parties de gendarmes-voleurs, où les seconds avaient l’avantage de la rapidité, les esclaves restaient entassés « en cuiller », c’est-à-dire couchés sur le côté, leurs jambes s’emboîtant les unes dans les autres. Le problème était de nourrir et d’abreuver, outre l’équipage, plus de 350 esclaves. C’est à peine si un homme sur trois arrivait à destination : soit qu’une épidémie décimât leurs rangs, soit qu’ils préférassent le plongeon-suicide, soit encore qu’ils fussent jetés à l’eau à l’approche d’un navire de répression ; car, en cas de capture, les sanctions prévues ne pouvaient être appliquées que si des esclaves étaient trouvés à bord ; à choisir, le négrier s’empressait de se délester de sa compromettante cargaison humaine. Ou alors, il acceptait le combat, avec le risque que les Noirs profitent du désordre pour briser leurs chaînes. Parfois la révolte réussissait, et l’on se doute qu’elle était terrible ; quand elle échouait, les représailles l’égalaient en horreur. Ces Noirs étaient une marchandise que ses transporteurs avaient intérêt à ne pas laisser se détériorer complètement avant de l’avoir vendue à leurs clients d’Amérique : aussi, tous les jours, les esclaves enchaînés montaient-ils les uns après les autres sur le pont, où on les obligeait à prendre de l’exercice. Il s’agissait de les « maintenir en bonne forme » !...