L’HISTOIRE DE LA MARINE – de 1700 à 1850
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1797. La frégate la Muiron (France)

 

LORSQUE le 15 novembre 1796 Bonaparte pénétra dans l’Arsenal de Venise, il découvrit trois vaisseaux de 64 canons et deux frégates de 44 en construction. Il en prit aussitôt possession et décida que l’une de ces frégates s’appellerait la Muiron. Ceci en mémoire d’un épisode de la bataille d’Arcole au cours de laquelle le colonel Muiron, se jetant devant Bonaparte et le couvrant de son corps pour le protéger, avait sacrifié sa vie pour le sauver. La Muiron est prête à prendre la mer le 26 août 1797. D’abord prévue pour être armée en course, elle est finalement incorporée à l’escadre qui doit transporter en Égypte le corps expéditionnaire. En 1799, c’est à son bord que Bonaparte décide de rentrer en France et après bien des inquiétudes la frégate, avec son illustre passager, mouille enfin dans la rade de Fréjus, ayant réussi à tromper la vigilance des Anglais. En 1801, la Muiron participe à la bataille d’Algésiras. En 1807, Napoléon écrit au Ministre de la Marine : « je désire que la Muiron sur laquelle je suis revenu d’Égypte, soit gardée comme un monument et placée de manière à ce qu’elle se conserve, s’il est possible, plusieurs centaines d’années... » Un règlement particulier est aussitôt édicté : la Muiron est ancrée en bonne place dans le port de Toulon, avec cette inscription en lettres d’or sur la poupe : « La Muiron, prise en 1797 dans l’Arsenal de Venise par le conquérant de l’Italie. Elle ramena d’Égypte en 1799 le sauveur de la France ». Mais les gouvernements successifs ne tinrent pas compte du souhait de Napoléon et la Muiron, désarmée, servit « d’amirale » à Toulon ; on ne connaît même pas exactement le sort final qui lui fut réservé : vendue pour les uns, foudroyée pour les autres. Napoléon vouait un véritable culte à la Muiron, cette petite frégate qui lui avait permis de passer sain et sauf à travers la flotte anglaise lors de sa traversée d’Alexandrie à Fréjus. En 1803 il en fit exécuter une maquette qu’il plaça dans son Cabinet de travail, à la Malmaison. Ce modèle d’une exécution remarquable est aujourd’hui exposé au Musée de la Marine de Paris.